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L'Humour chez les humbles

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Dans les années 70, alors que je visitais les chantiers, j’ai pu constater que certains ouvriers avaient un bon sens de l’humour.

Par exemple, l’un d’eux, à l’éternel « Bonjour, alors… ça va ? », répondait régulièrement « Topié ! ».
Dire son nom n’avancerait pas, sauf qu'en utilisant son patronyme de 8 lettres, le bonhomme aurait pu marquer 46 points au Scrabble, ce qui est déjà un beau score.
Il n’était pas bête, loin de là. Il avait l’intelligence nécessaire et suffisante pour comprendre qu’il n’aurait sûrement pas pu mieux faire que ce qu’il faisait le mieux : son métier !
Tout simplement ! Le petit calembour quasi quotidien, et jamais renouvelé suffisait à sa joie simple d’avoir pu placer un bon mot. Il continuait alors son ouvrage en sifflotant.

Ça va... topié ! Le pire, c’est qu’il m’a fallu un certain temps pour comprendre ! Et j’avais pourtant fait des études !!

Son ouvrage, il le faisait admirablement bien, et son intelligence était dans ses mains et dans le cœur qu’il mettait à le faire. Pour le reste, il savait parfaitement s’organiser (aujourd’hui, on dirait gérer son emploi du temps, ça fait plus sérieux), il était à pied d’œuvre une heure avant celle virtuellement inscrite dans un contrat qui n’était que moral, non par souci d’économiser du papier, mais parce que le seul fait de payer quelqu’un tous les mois signifiait qu’il faisait partie de l’entreprise, et personne n’aurait eu l’idée saugrenue de rompre un engagement conclut il y avait déjà plusieurs années, avec une poignée de main.

Il ne quittait son chantier que lorsqu’il estimait qu’il n’aurait rien gagné à y rester plus longtemps, mais rarement avant l’heure convenue.
Édouard posait le papier peint comme personne.
Entre le cerveau et les savates, il y avait une mécanique bien rodée.

Savates aux pieds, il a continué son petit bonhomme de chemin jusqu’à la retraite, où il a pu s’occuper de son jardin, toujours savates aux pieds.
Et puis il a disparu, sans doute avec ses éternelles savates aux pieds, tous trois usés par le temps…

Il n’a jamais été affecté par le principe de Peter, ayant toujours été assez intelligent pour comprendre qu’il était bien dans un rôle qu’il interprétait merveilleusement, savates aux pieds, ceux-ci touchant bien par terre.
Je me suis souvent demandé si le monde ne fonctionnerait pas beaucoup mieux si chacun se contentait de ne faire que ce qu’il sait faire bien, sans plus.
Vouloir faire mieux, c’est bien, mais vouloir faire bien, c’est déjà bien, et souvent mieux. Le mieux, pour bien faire, c’est simplement de faire de son mieux.

Une source d’inspiration pour nos dirigeants qui n’avancent qu’en grandes pompes, souvent trop grandes pour eux.